Normandie : terre-de-nos-mères

Normandie : terre-de-nos-mères

François Laffont del Cardaÿre

J’ai une tendresse particulière pour cet arrière grand-père qui avait disparu 20 ans avant ma naissance et qui fut le point de départ de ma quête ariégeoise.

Faisons le point au départ : je ne savais que très peu de choses sur lui. Il était né à Boussenac près de Massat, s’appelait François Laffont, patronyme tronqué, de ? Laffont et Madeleine Loubet, il avait épousé Marie Virginie Grandin vraisemblablement dans la Manche puisqu’on se marie traditionnellement dans la paroisse de la promise, ils avaient eu deux filles (ou quatre), il était facteur des postes et il était décédé à Bernay (27). Dans mon enfance, je me rendais sur sa tombe en compagnie de ma grand-mère pour y faire une prière.

De lui, il restait aussi des chansons : « Cimes du Canigou » et « Toulouse, une fleur d’été » en Français et surtout « Se Canto » que toute la famille (y compris moi) chantait en patois de Massat, sans jamais en avoir compris ni parlé le moindre mot. cf S comme Se canto  (Challenge 2015) Curieusement, j’ai mis du temps à réaliser que c’était la langue maternelle de François…

Il restait aussi une anecdote que racontait ma grand-mère, Marie Virginie appelant son époux « François ! ben aqui ! » « per que fa ? » « per travailla » « Soum malade ! » « pour manger la soupe aux choux » « Soum pou malade !! »

Enfin, deux légendes familiales et un dicton que ma grand-mère assénait à la responsable de la moindre querelle : « tu es pire que la Rose de la famille Laffont et l’Augustine de la famille Grandin, tu ferais battre des montagnes ! »

J’avais aussi mémorisé quelques noms de cousins ou oncles et tantes dont tous les patronymes étaient abrégés bien sur ( Caujolle, Soum, Ané) et que je n’avais jamais rencontrés, excepté Mathieu Faux à qui nous avions rendu visite à La Croix Falgarde quand j’avais 7 ou 8 ans.

C’est ainsi que je partis à la recherche de François et à la découverte de son pays natal. A ce propos, comment et pourquoi s’était-il retrouvé en Normandie ?

La commune de Boussenac n’est pas bien grande mais François est né durant le « baby boom » ariégeois, de 1855 à 1869 il y avait près d’une centaine de naissances par an à Boussenac.

Première découverte : l’intégralité du patronyme Laffont del Cardayre qui fit tomber des nues ses descendants, ce qui m’incite à penser que même ses filles l’ignoraient ! Il ne figure sur aucun papier officiel, ni dans son dossier professionnel, ni sur le registre militaire, ni sur l’acte de mariage. Est-il légal d’amputer ainsi son patronyme ?

Il ne figure donc in extenso que sur l’acte de naissance :

 acte de °.PNG

 

Il est donc né le 9 Septembre 1857, au hameau des Eychards, premier garçon du couple sa venue au monde a sans doute été saluée, selon la coutume, par des coups de fusil. Il est le deuxième de sa fratrie, sa sœur Françoise est née en 1856 (le contraceptif naturel de l’allaitement ne semble pas avoir été efficace, à moins que Françoise n’ait été sevrée avant 2 ans)

Après avoir mené la vie de tous les petits garçons : joué puis aidé à la ferme, gardé les bêtes, François atteint l’âge scolaire vers 1863-64, il a alors un frère de 5 ans et deux sœurs plus jeunes.

Il peut suivre un enseignement primaire à Boussenac où Jean Pujol a été nommé le 01/10/1860 puis Paul Pujol de Peyou en 1864 :

Reste à savoir où se trouvait la « maison d’école », dans quel hameau pour évaluer la distance que le petit François avait à parcourir pour s’y rendre. En quelle année a-t-elle été construite ou mise en service et où logeait l’instituteur ? Les délibérations du Conseil Municipal peuvent sans doute nous renseigner.

 

Combien y avait-il d’enfants scolarisés ? Claudine Pailhes souligne : « dans les villages, la situation est longtemps très difficile. Les communes ont peu de moyens, les parents jugent nuisible ce qui leur dispute une main d’œuvre traditionnelle, le clergé craint les « mauvaises idées », les instituteurs sont mal payés, leurs logements et les salles de classe ressemblent souvent à des taudis » (p287).

instits.PNG

 

François apprendra donc le Français et suivra les cours assez assidûment pour obtenir le niveau 3 sur les documents militaires « possède une instruction primaire plus développée », pour autant il ne semble pas avoir son certificat d’études (niveau 4).

 

A 20 ans, il tire au sort à Saint Girons, il est alors domicilié à Riverenert chez ses parents et exerce la profession de cultivateur. Il tire le n° 50 ! mais comme il ne mesure qu’1m 54 (1 ou 2 cm de moins que la taille requise) il est ajourné pour « petite taille »

 

petite taille recrutement militaire.PNG

 

 Ajourné mais pas réformé, l’armée se souvient de lui 2 ans plus tard et il est incorporé au 34° RI cantonné à Saint Gaudens. Il mène une vie de caserne du 10 Novembre 1880 au début Octobre 1881 sans doute dans ces bâtiments :

 

caserne St Gaudens.PNG

Mais, dans les années 1880, la France développe sa politique coloniale en Afrique du Nord et Jules Ferry prend le prétexte d’incursions de « pillards » kroumirs en Algérie pour souligner la necessité de s’emparer de la Tunisie. Les troupes françaises y pénètrent en Avril 1881 sans combats importants et le protectorat est officialisé le 12 Mai 1881. Pourtant des révoltes éclatent à Kairouan et Sfax qui necessitent l’envoi d’un corps expéditionnaire de 50.000 hommes.

 

La ville de Sfax ne sera soumise que fin Novembre 1881 et Kairouan pas avant le 28 Octobre 1882. Ces troupes embarquent à Toulon qui devient la base logistique pour les expéditions, leur embarquement et leur transport. En 1881, des canonières mâtées en briks goélette participent au transport des troupes (le Chacal, l’Etendard, le Fanfare, le Gladiateur, la Hyène et le Léopard) ainsi qu’une frégate cuirassée Le Colbert.

C’est vraisemblablement à Toulon, sur l’un de ces navires que part François, il arrive en Algérie le 7 Octobre 1881, y reste jusqu'au 16 et arrive en Tunisie le 17 Octobre 1881 pour y demeurer jusqu’au 20 Février 1882. Pour obtenir les détails de son séjour, il faudrait consulter le Journal de Marche et Opérations (JMO) du 34° RI.

De là, il repart pour l’Algérie où il reste environ 8 mois (de Février 1882 au 4 Novembre 1882) avant d’être mis en congé le 10 Novembre 1882.

Par quel port est-il rapatrié ? Comment rentre-t-il en France ? La famille explique sa venue en Normandie par un débarquement à Cherbourg mais il semble plus évident qu’il soit revenu sur Toulon.

 

rapatriement.PNG

 

Après son retour à la vie civile, nous perdons sa trace pendant 1 an et demi. Revient-il en Ariège ? La seule indication est qu'il est domestique mais où ?

La question est d'importance car elle permettrait d'expliquer comment il peut faire la connaissance de sa future épouse qui habite Cambernon dans la Manche.

Est-ce là qu'il est domestique et que lui vient l'idée de devenir facteur ?

Pour avoir la suite de la vie de François, il va falloir vous rendre sur le blog nouveau-né : Normandie : terre de nos mères ; car François est devenu normand (?) ou à tout le moins y a fait sa vie et n'est que rarement revenu en Ariège... Il faut dire que les communications étaient moins faciles, moins rapides et que les guerres n'ont rien arrangé !

Heureusement, il me reste un portefeuille rempli de lettres avec sa famille cf G comme Grenier (challenge 2020) 



16/04/2022
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