Normandie : terre-de-nos-mères

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Pépé Albert 2

Pépé Albert 2

 

En quoi consistait le métier d' « emboucheur » dont vivait mon arrière grand père ?

Un impératif, il fallait posséder des prés à l'herbe grasse et bien évaluer les animaux.

A partir de là, tout est basé sur le commerce : acheter de bonnes bêtes (pas des « saucisses » qui mangent beaucoup mais ne grossissent pas) au prix le plus bas possible (mais entre Normands, les tractations peuvent être longues!)

Après l'accord : toper ! Éventuellement cracher par terre ; l'autre ne pourra se dédire, il a accepté le prix de vente [« Cochon qui s'en dédit »]. Ces bêtes viendront aux prés, engraisseront et seront revendues 6 mois ou un an plus tard.

Parallèlement, il s'agit de vendre des bêtes « engraissées » et au meilleur prix aux bouchers de la ville. De là, il faut tirer un bénéfice qui fera que la foire ou le marché aura été bon ou non...

 

Donc Albert Lefèvre va partout vendre et acheter mais principalement à Rouen et il donne des nouvelles à Léon Albert, son fils et mon grand-père, même lorsque Léon est moblisé en 14-18 ! Que lui dire d'autre ? Qu'il revienne vite et que son père, même vieillissant, veille à augmenter son hoirie ! Une fois son fils marié en 1918 mais avant l'Armistice, il fera de même avec sa belle-fille : Margueritte Laffont del Cardaÿre et même François Laffont avec qui il semble vraiment s'entendre !

Le commerce, c'est toute sa vie ! Il vend et il achète, pour lui et pour les autres en gardant une « commission » j'imagine ! Ainsi on retrouve les noms de ses contemporains plus ou moins nantis (Jouin Lambert ou Toutain) pour lesquels il se charge d'acheminer les bêtes avec les siennes jusqu'à la foire et d'en tirer le meilleur prix.

 

Pour cela, il court sans cesse. A la fin du XIX° siècle il peut profiter du train ; un énorme progrès ! Les bêtes n'ont plus à s'épuiser sur la route sous la conduite d'un vacher et ainsi perdre du poids en route ; il suffit de les embarquer dans des wagons à destination de Rouen. Sauf que le train ne passe pas à Notre-Dame d'Epine et qu'il faut que les bêtes se rendent à pied à Bernay en passant par la ruelle dont le nom est gardien du souvenir : la rue aux bœufs, longeant le cimetière Sainte-Croix ; son vacher surnommé « jambes de laine » doit les y conduire.

Le patron doit donc sélectionner, anticiper, réserver le wagon et lorsqu'il n'est pas là à l'embarquement, il peut y avoir des problèmes Quand il est là aussi ! 

 

serré par un boeuf

 

Bon, disons que tout se passe bien à l'embarquement... ; il faut encore précéder les bêtes à leur arrivée. Pépé a une voiture, une vraie sans cheval pour aller à Rouen (peut-être pas pour aller à Bernay voir Eggs Corner ! (suivi par 'Le coin des œufs', version francaise) ) et il lui faut surveiller le débarquement des bêtes, vérifier leur état, parfois faire constater les dégâts par le vétérinaire ou aider le boucher qui redoute le bœuf qu'il doit abattre !!!

 

boucher trouillard

 

Ce n'est pas un métier de tout repos : il ne va pas qu'à Rouen ! Il « court » de foire en marché de Lieurey au Neubourg, d'Appeville et bien sûr à Bernay.

Encore un accident plus tard et il n'est plus tout jeune !

 

Chers enfants. J'espère que vous allez bien moi ça pourrait aller mieux très mauvaise vente et un bœuf de ceux à M Jouin Lambert invendu et un autre qui m'a flanqué par terre pour aller le peser et qui m'a déchiré le fond des mains et blessé le genou. Il serait encore devenu subitement méchant, j'avais peur qu'il ne cause des accidents.

 

Les résultats des ventes dont il informe régulièrement Léon, son fils, et peut-être sa fille ou son gendre Lucien, qui semble lui manquer beaucoup mais il est au front et pas au meilleur endroit : dans la Somme et écrit que « sa capotte mouillée pèse 50 livres » dépendent du nombre de bêtes proposées à la vente : plus elles sont nombreuses, moins les affaires seront bonnes. Par contre, il sera possible de faire des achats intéressants.

 

Malgré sa belle prestance, Albert ne semble pas avoir une santé de fer et il rechigne souvent à faire venir le médecin (une dépense! avant la sécu) . Il est sujet aux « refroidissements » mais va souvent jusqu'à ses limites : « encore une foire et je me repose »...

 

Une légende familiale veut qu'enfin revenu chez lui, après les foires, Albert aimait lire son journal à la bougie devant l'âtre ; mais fatigué, il s'endormait ! La bougie tombait sur le papier, le journal enflammé était jeté dans la cheminée et Albert allait se coucher !

 

Très ancré dans son terroir, une autre légende veut que sur son lit d'agonie, il a entendu passer les Charités des villages environnants et qu'il les reconnaissaient au son différent des tintenelles : « tiens ! Voilà Giverville qui passe ! » sans jamais se tromper...

 



11/08/2022
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