Normandie : terre-de-nos-mères

Normandie : terre-de-nos-mères

GENEALOGIE


6 Juin 1944 à Caen

 

Le D Day, bien sûr, et ma mère Eliane Lefèvre devait passer ce jour là son diplôme d'ingénieur chimiste...à l'aube et à Caen !

Comme à son habitude, elle avait révisé et veillé très tard dans la nuit, angoissée par le spectre d'un possible échec . Elle s'était donc endormie peu avant l'aube. Consciente de ses manies, elle avait demandé à son ami d'enfance, Jean Nicolle de venir la réveiller par sécurité.

Elle ne savait pas que Jean faisait partie de la Résistance et qu'il savait que le Débarquement aurait lieu : « berce mon âme d'une langueur monotone » sur Radio Londres avait donné le signal.

Donc, au point du jour le bombardement de Caen commença, sans réveiller ma mère dans son premier sommeil, il faut dire que les raids aériens se multipliaient en cette année 44 et que les jeunes en avaient même fait une chanson à la mode sur l'air de "auprès de ma blonde " :

« Ici mes chers Tommies

Vous êtes nos amis

Nous avons le ferme espoir

de bientôt vous revoir

refrain

Au bruit de vos bombes

qu'il fait bon fait bon fait bon

Au bruit de vos bombes

Qu'il fait bon dormir ! »

 

Et c'est précisément ce que faisait ma mère lorsque Jean la tira du lit en lui laissant tout juste le temps de s'habiller avant de l'entraîner dans l'escalier encore à moitié endormie. Zut, elle avait oublié ses papiers pour l'examen et peut-être aussi ses médicaments (elle souffrait alors d'une ulcération d'estomac et prenait des médocs à base de morphine pour calmer la douleur). Elle voulut remonter à sa chambre mais Jean lui assura que l'exam n'aurait pas lieu et l'obligea à descendre...A ce moment le haut de l'escalier fut pulvérisé par une bombe !!!

 

Il fallut se rendre à l'évidence : il se passait un événement capital, ils allaient vivre « le Jour le plus long » : D Day, le Débarquement tant espéré !

Seulement Caen fut bombardée, dévastée, ruinée en quelques heures

 

CPA Caen

 

Il fallait fuir en essayant de rester en vie. Jean devait rester mais la bande de copains de la fac se regroupa (où?) : Binot, son amoureux, un Manchot originaire de Valognes je crois ; René Degand, un Belge (attention un Wallon !, il m'a accueilli si gentiment en Wallonie dans ma jeunesse) , lui était l'ami de cœur, le plus « vieux » de la bande ; Caniche dont je ne sais presque rien.

 

Tous avaient des surnoms comme « dans mon temps : Jean-Max dit Maxou, Sylviane, la Z, Françoise Famfy et moi Cathou pour la Betty parme et Katiouschka pour Maxou et la Z.

Alors, il est difficile de s'y retrouver dans les récits de ma mère, elle employait surtout les surnoms !

 

Bref, une bande de bons copains à laquelle on peut se fier dans situations difficiles, et là, c'en était une : il fallait sortir de Caen le plus vite possible et indemne mais où aller ? S'éloigner des combats, c'était une évidence mais où étaient les Allemands ? Beaucoup de gens se dirigèrent vers une zone dégagée à la périphérie « la Prairie » mais elle fut bombardée. La côte normande est bien sûr, le point le plus dangereux, donc il reste la Manche et l'Eure (Ouest ou Est). Plus de Manchots dans la bande, ils partirent donc dans cette direction et puis la mentalité de l'époque acceptait mieux qu'un garçon amène des copains chez lui qu'une fille ; je vois mal mes grands-parents ravis de recevoir la bande copains de leur fille même en des circonstances dramatiques et pourtant l'Eure est encore loin des combats. Cette décision fut longtemps reprochée à ma mère par ses parents ; sans communication possible, ils ont dû vivre des moments d'angoisse pour leur fille !!

D'abord quitter Caen ! Et vite ! Ma mère m'a raconté qu'ils ont rencontré, dans leur fuite, une femme hurlant « tirez-moi de là ! Je suis coincée sous les décombres ! » Ils l'ont « aidée » et tirée mais ses jambes avaient été sectionnées, elle est morte dans leurs bras! Cette vision hantait encore ma mère des décennies après, comme le comble de l'horreur...

 

Après des km à pied sans vivres et sans abri, ils arrivent à rejoindre Valognes, mais là aussi les combats se rapprochent, le Nord de la Normandie est sous le feu ! Maman et René décident de repartir vers l'Eure toujours dans des conditions dangereuses et sous de possibles bombardements .

 

Ils arrivent indemnes à Bernay et sont hébergés par mes grands-parents.

La maladie d'estomac de ma mère avait disparu même sans antidouleur, est-ce l'effet bénéfique de la marche, ou l'effet psychologique d'un péril bien plus grand ?

 

René Degand regagna sa chère Wallonie dès qu'il le put mais il resta en contact avec notre famille et avec ma mère surtout ; je crois qu'il fut invité au mariage de Lily et Jacques et à mon baptême. Je lui rendis visite une fois en Belgique, je devais avoir 20 ans, comme cadeau de bienvenue, sachant que je préparais une maîtrise de Lettres, il m'offrit un Grévisse (le sien peut-être) c'est à dire la Bible de la Grammaire Française

Maman m'avait chargé de lui soutirer l'adresse de Binot, au détour d'une conversation mais il fut ferme : tous deux étaient mariés et avaient des enfants, à quoi servirait de se rencontrer à nouveau si ce n'est mettre deux couples en danger...

 

Maman s'était sortie d'affaire en 1944 mais elle n'était pas ingénieur et elle ne le fut jamais ! Ses parents lui demandèrent de trouver du travail comme simple chimiste comme si elle était responsable de la date du D Day !! Elle avait tout de même une excuse en béton ou plutôt en acier pour ne pas avoir présenté son exam. Une année de plus, ce n'était pas la mer à boire ni la ruine pour les Lefèvre!!! Bon, je n'ai pas à juger mes ancêtres...

Elle trouva donc un emploi de chimiste dans une huilerie à Dreux, or, dans la même usine travaillait un ingénieur des Arts et métiers (un gars d'z arts) Charles Jacques Moraux-Hocry récemment revenu des pires offlags nazis et ayant fait la terrible marche de Pologne...

Il était grand, beau, des yeux bleu clair et maigre encore très maigre (à son retour il ne pesait que 39Kg pour 1m76 et avait été rapatrié en avion sanitaire...)

 

Ce même 6 Juin 1944 à l'aube, le Révérend Harry Treble, pasteur anglican, débarquait sur les plages de Sword et sans armes... il n'avait pour se défendre que sa foi et et une petite croix sur son uniforme ! Il devint plus tard mon oncle ...

cf Dad's Jour J (DDay)


26/03/2023
0 Poster un commentaire

Incident

Si j'ai bien compris l'histoire dAlbert : sur la foire, il vend un bœuf que le boucher doit emmener puis tuer sauf que le boucher a peur de l'animal et c'est le grand-père qui doit s'y coller pour l'abattage, c'est pas commun tout de même !

Ce boucher trouillard ne doit pas vendre beaucoup de viande de taureau.

Il est vrai aussi qu'Albert doit avoir des bêtes assez agressives, une fois il se plaint d'avoir été « serré par un boeuf » en le faisant monter dans le wagon et d'avoir eu des douleurs aux côtes …

Mais lui n'a pas peur de ses bêtes par contre je le soupçonne de détester assister à leur tuerie...

 

Bon ce jour là rien n'est facile et il faut y aller pour contenter le boucher, les affaires sont bonnes et c'est toujours « un baume au coeur » pour Albert mais ce contretemps a failli lui faire manquer le train

 

I comme Incident

 

I comme Incident transcript

 

Je t'envoie une carte postale de Pont Authou je voulais la mettre à Rouen mais je n'ai pas pu, j'ai été ennuyé avec un boeuf que j'ai été obligé d'aller voir tuer, le boucher le redoutant, il a bien passé mais je n'ai eu que le temps de prendre le train, vente très bonne sur 10,400 de bénéfice. Tu as dû recevoir ma lettre hier. Je t'embrasse de tout coeur. Je suis vanné j'ai parti hier matin.

(en haut Désiré est avec moi, il t'envoie une carte)

 


12/12/2022
0 Poster un commentaire

Hôtel douteux

 

Pépé Albert dort rarement à l'hôtel, il préfère regagner ses pénates même assez tard et fatigué ; peut-être pour s'occuper des animaux le lendemain, et sans doute pour dormir dans son lit !

D'après une légende familiale, après le dîner, il lisait son journal, assis au coin de la cheminée, avec un bougeoir en lumière d'appoint et s'assoupissait sur le journal qui prenait feu et atterrissait dans la cheminée...

Il faut dire qu'il n'avait pas « les deux pieds dans le même sabot », il aimait « faire de l'argent », des affaires, du commerce...

 

Or le 6 Juillet 1920, il est contraint de dormir sur place après avoir connu pas mal de désagréments :

 

H comme Hôtel

 

Mouillé et souffrant, les bonnes affaires lui maintiennent le moral malgré une nuit pénible avec sans doute des punaises de lit qu'il nomme « des camarades...qui mordaient »...

 

Etait-il un peu pingre et descendait-il dans des hôtels bas de gamme pour rencontrer ces hôtes indésirables ? En tout cas, en bon Normand, il devait être « près de ses sous » et ne pas « jeter l'argent par les fenêtres » !

Beaucoup de voyageurs en Ariège se plaignent de ces bestioles qui vous gâchent la nuit, il semble que ce soit aussi le cas en Normandie... même à Rouen !


03/12/2022
0 Poster un commentaire

E comme Envoi de colis

E comme envoi de colis

 

 

Nous sommes en guerre et les familles essaient « d'adoucir le sort » de leurs fils ou gendre Poilus qu'ils soient sur le front, malades ou blessés ou encore prisonniers en leur envoyant des colis. Mais les civils aussi sont restreints dans leur consommation alors il convient que le colis (qui a peut-être provoqué quelques privations) soit bien arrivé à son destinataire. On s'en informe donc dans le courrier suivant, non pas pour un remerciement, mais pour s'assurer qu'il a bien été délivré intégralement (surtout pour les prisonniers en Allemagne) et qu'il n'y a pas eu de vol au cours de la fouille...

On est jamais trop prudent pour un Normand donc Albert demande à Léon s'il a bien reçu son colis (il est en France) mais sait-on jamais... et aussi son argent de poche pour aller faire le beau : environ 5 fr par semaine :

 

 


26/11/2022
0 Poster un commentaire

Deux Poilus

 

Albert n'a que deux enfants : Jeanne ,l'aînée et Léon

Le mari de Jeanne, Oncle Lucien et Léon sont tous deux sous les drapeaux, c'est le cas de nombreuses familles dans la France entière, me direz-vous ! Il n'empêche que le manque de bras masculins était un handicap pour les travaux de la ferme ! Même si ma tante Jeanne a toujours eu une force incroyable même dans son âge avancé : c'était « une maîtresse femme » que j'admire encore mais je vous en parlerai plus tard

Il reste donc pour deux exploitations Jeanne et son père Albert qui a en 1914, 41 ans

mais, Albert court de foires en foires pour son commerce et Jeanne est seule sur sa ferme, et tout devient difficile quelle que soit la vaillance des personnes !

 

Le premier Léon est artilleur et part au Havre, Lucien est dans l'Infanterie et part très vite sur le front dans la Somme sous le pluie et "dans la boue" "sa capote pèse 50 livres"... Il ne tarde pas à tomber malade et revient en convalescence, son beau père note qu'il "est blanc comme une cire" mais je vous parlerai de son épopée plus tard.

 

Léon fait aussi un séjour à  l'hôpital pour un problème pulmonaire

Deux Poilus, deux inquiétudes et une fille à seconder en plus d'un métier éreintant ! 

 

 


22/11/2022
0 Poster un commentaire