Normandie : terre-de-nos-mères

Oui, notre arrière grand père François est un migrant, de l'intérieur, je vous l'accorde, c'est une migration franco française mais il n'est pas besoin de traverser des frontières pour se sentir « dépaysé » ! Regardez bien ce mot dé + pays : il est sorti de son pays ! C'est en tout cas une migration culturelle et je peux en attester puisque 4 générations plus tard, j'ai migré en sens inverse ! A 16 ans (le plus mauvais âge pour être transplanté) de Normandie, j'ai suivi mes parents en Occitanie

Alors, je ne peux pas vous dire ce qu'a ressenti François car nos aïeux, normands comme ariégeois étaient des « taiseux » sur leurs sentiments et ne se confiaient pas même au papier ! Par contre, en parlant de papier, j'ai retrouvé un gros portefeuille gonflé de lettres reçues ou adressées à ses sœurs restées « au pays » Un signe de nostalgie ? D'empathie ? De devoir de grand-frère et d'aïnat ? Ou simplement un amour familial, comment le savoir ? Je ne suis pas psy de mes ancêtres !

J'aimerais lui demander mais je ne suis pas non plus « armière » bien que née en Décembre, ma naissance n'eût pas lieu pendant la messe de minuit cf Armière sur aujols-Laffont

Question civilisation ou culture, voilà ce qui n'a pas dû déstabiliser François : la superstition et la sorcellerie sont super présentes dans les deux régions !

Côté relations sociales, normands et ariégeois n'accordent pas leur confiance et leur amitié à la légère, il faut du temps pour s'intégrer, mais cela, François le sait

Reste la langue, le patois dans le sens noble du terme, la langue du « croquant », même si François parle un excellent français, il ne parle pas le patois normand et personne ne comprend son parler massatois !

Ma grand-mère Marguerite me racontait ce dialogue entre François et Marie Virginie (auquel je ne crois guère Marie Virginie était manchote, entendez originaire de la Manche et son patois diffère beaucoup de celui de l'Eure, elle était aussi une migrante !) mais je la vois mal apprendre le patois de François … Et pourtant, Mémé racontait :

• François, ben aqui

• Per que fa ?

• Per travailla !

• Soum malade !

• Pour manger la soupe au chou !

• Soum pou malade !

Par contre, il semble que François n'oubliait pas son patois et devait l'utiliser souvent donc peut-être son épouse en a mémorisé quelques expressions et, en bon Pyrénéen, il devait chanter puisque Marguerite m'a transmis le « Se Canto » en parler de Massat cf se canto sur aujols.  Jeanne, sa sœur l'a-t-elle rejeté ou oublié ?

Après reste le pays, le paysage...l'Eure, il faut l'avouer, c'est plat ! Boisé certes, vert aussi mais vraiment plat ! Alors la nostalgie des montagnes (« aquellos mountagnos que tant hautas soun ») et le bonheur de les contempler par tous les temps comme nous l'avait confié Madame Piquemal Barou !

(Francis et Eva derrière Madame Piquemal, pas moi, il faut bien un photographe !)

Elle avait aussi résumé en un geste et quelques mots toutes les difficultés de la recherche généalogique ariégeoise : nous lui avions dit que nous avions une grand-mère Piquemal Barou alors elle a fait un grand geste circulaire sur la vallée et nous a dit : « des Piquemal Barou, il y en a partout ici » !

Il est très difficile de déduire de quelques écrits et quelques comportements, les sentiments de nos ancêtres !!!

En tout cas, François s'est bien entendu avec son gendre Léon Lefèvre mais je ne sais rien de ses rapports avec Paul Herquelle (son autre gendre) époux de Jeanne, la cadette.

Comme je vous l'ai dit nous avons pris, mon cousin et moi , de l'eau de la fontaine des Eycharts, hameau d'origine de François pour la répandre sur sa tombe à Bernay (superstition ou respect allez savoir!)

Par contre, j'aimerais y faire poser une grande croix de marbre « grand antique » qui est exploité à Aubert, près de Moulis , un très beau marbre noir (ou gris très sombre) veiné de blanc .