Normandie : terre-de-nos-mères

Comprendre le « chemin de vie » d'un de ses ancêtres n'est pas toujours facile. Jean-Baptiste Albert Lefèvre est apparu à ses descendants souvent comme un homme droit mais inflexible, dur, travailleur, assez « macho » dirions-nous maintenant, en tout cas peu progressiste : il refuse d'investir l'argent de la commune dont il est le Maire pour une cabine téléphonique et l'électricité...

Je n'ai jamais « jugé » mes ancêtres et je ne vais pas commencer avec Albert Lefèvre, il est un homme de son temps et les femmes (sauf les veuves non remariées) sont des mineures perpétuelles et il gère, sans doute, l'argent de la commune comme le sien propre avec parcimonie et anticipation des dépenses à venir. Il n'est pas « radin » juste prévoyant... à terme, combien vont coûter tous ces beaux projets ?

Il naît le 23 Décembre 1863 à Notre-Dame d'Epine, l'année précédente ses parents ont perdu une petite Marie Omphine qui n'aura vécu que 21 jours. Un garçon arrive et il sera sans doute choyé, il grandit et ne trépasse pas !

Par contre, une autre enfant arrive sans vie en 1870 ; dans les familles, c'est toujours un drame car l'enfant né sans baptême ou ondoiement va errer dans les limbes (à l'époque, affliction et peur se mêlent, il existe même des sanctuaires à répit où au moindre signe de vie, l'enfant est baptisé pour lui éviter l'errance perpétuelle).

A 36 ans, Jean-Baptiste, père, décède le 29 Août 1871, son fils n'a pas encore 8 ans et sa veuve se retrouve seule avec un fils unique à 33 ans.

Désirée Rufine Aubert est journalière tisserande, elle est née à Berthouville, elle est seule pour subvenir aux besoins d'un fils qui devra fréquenter l'école pour assurer son avenir. Certes les lois Ferry ne sont pas encore votées mais l'écriture facile de Jean-Baptiste Albert atteste qu'il a dû fréquenter l'école bien avant les lois de 1881 !

Sur sa jeunesse, peu de renseignements : les archives diocésaines sont difficilement consultables à distance mais il a dû faire sa communion et sa confirmation.

Comment est-il devenu « herbager » ou « emboucheur » et quand et avec quelles terres ? Pour l'instant, nous n'en savons rien ; il faudrait faire des recherches sur le cadastre pour savoir si le couple Lefèvre-Aubert disposait de terres. Sinon, il se peut que son mariage avec Joséphine Arthémise Bonnegent, de Fontaine-la-Sorêt lui ai amené les terres necessaires, à moins que la dot n'ait servi à les acheter.

En tout cas, Albert, qui a choisi son deuxième prénom en rompant une longue lignée de Jean-Baptiste, est « emboucheur » c'est à dire qu'il a de grasses prairies et qu'il achète de jeunes bestiaux pour les engraisser et les revendre ensuite avec bénéfice, bien sûr. Il prend les siens mais aussi ceux de ses associés pour une vente ou plusieurs. Il est aussi marchand de bestiaux, ceux qui sont réputés faire fortune rapidement en Normandie ! Et avoir sous leur biaude (une blouse large en général bleue) un portefeuille épais et bien garni !

Quelles sont mes sources me direz-vous ? On ne peut rien affirmer sans preuve !

La famille Lefèvre comme la famille Laffont ont eu l'heureuse idée de garder les correspondances ! Un trésor pour un généalogiste : tout est consigné : les foires, les marchés mais aussi les incidents et accidents, l'état de santé des uns et des autres, les angoisses de la Grande Guerre, pour le fils, pour le gendre, la difficulté des moissons alors que les hommes défendent la Patrie. Parfois en quelques mots, tous les malheurs et les luttes sont évoqués .

De lui, je pense n'avoir que deux photos, une nouvelle mode dans laquelle on n'avait pas d'argent à gaspiller !

Mais, dans les grands événements, ne soyons pas chiches ! Il marie son fils unique Léon à Marguerite Laffont del Cardaÿre !

Jean-Baptiste Albert a 54 ans et son épouse 52 ans. Même en ce jour de liesse du mariage du fils, on ne peut pas dire qu'ils paraissent très décontractés ! Est-ce le temps de pause pour la photo ?